C’est une alarme sourde, mais implacable, qui résonne depuis les entrailles vertes de l’Afrique centrale. Une récente étude dirigée par le Dr Yisa Ginath Yuh, chercheur au Fonds mondial pour la nature (WWF) et à l’Université Concordia au Canada, dresse un constat glaçant : plus de 204 000 kilomètres carrés de forêt dans le Bassin du Congo pourraient disparaître d’ici à peine quelques mois, si rien n’est fait pour enrayer la tendance actuelle.
Entre 1990 et 2020, cette région, considérée comme le deuxième plus grand massif forestier tropical au monde après l’Amazonie, avait déjà perdu plus de 352 000 km² de couvert forestier, soit 8,5 % de sa surface boisée. Une saignée verte aux causes multiples mais profondément ancrées dans notre époque, notamment ne raison de l’explosion démographique, les pressions agricoles, l’exploitation du bois, les infrastructures et des effets croissants du dérèglement climatique.
Une disparition programmée
Durant six années de recherche, l’équipe du Dr Yuh a scruté l’évolution du paysage forestier sur une période de 60 ans, mobilisant les technologies les plus pointues : imagerie satellite, intelligence artificielle, informatique en nuage. Cette approche multidimensionnelle a permis de cartographier avec une précision inédite les dynamiques de déforestation à l’œuvre en Afrique centrale. Le constat est limpide et terrifiant.
« Si l’utilisation actuelle des terres se poursuit, nous pourrions perdre plus de la moitié des forêts restantes d’ici à 2050 », prévient le Dr Yuh. Et ce n’est pas un simple chiffre. Cette projection signifie des millions d’hectares de forêts transformés en terres nues, en routes, en champs ou en zones minières. Elle signifie aussi un effondrement progressif de la biodiversité régionale, une perturbation irréversible des équilibres hydrologiques et une aggravation des émissions de gaz à effet de serre.
L’urgence d’un sursaut régional
Face à ces perspectives alarmantes, les scientifiques appellent à une mobilisation immédiate. « Nous voulons que ces données servent à orienter une meilleure gestion des forêts », insiste le Dr Kouamé Paul N’Goran, Responsable du suivi environnemental pour le WWF dans le bassin du Congo. Il plaide pour une généralisation des mécanismes de conservation, tels que le programme REDD+ des Nations unies, qui soutient la réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts.
Mais les outils technologiques et les politiques internationales ne suffiront pas sans une volonté politique ferme et un engagement collectif des États de la région. Car c’est bien de souveraineté écologique qu’il est question ici, et du destin de millions d’êtres humains dépendant directement des ressources que leur offre la forêt.
Le Bassin du Congo n’est pas qu’un réservoir de carbone ou un sanctuaire de biodiversité. C’est une respiration. Celle d’un continent, celle du monde. Et elle est aujourd’hui en train de s’éteindre, silencieusement.
La Rédaction