La Commission européenne vient de publier, pour la première fois, la liste officielle des pays classés selon leur niveau de risque dans le cadre du Règlement européen contre la déforestation importée (RDUE – Règlement UE 2023/1115). Le Gabon figure parmi les pays à « faible risque ». Ce classement peut-être perçu comme une reconnaissance notable des efforts menés par le pays ces dernières années en matière de gouvernance forestière, de conservation et de traçabilité des ressources naturelles.
Publiée le 22 mai 2025 par la Commission européenne, cette liste établit une hiérarchie des pays fournisseurs de bois en fonction des risques associés à la déforestation et à la dégradation des forêts. Et là, presque sans surprise, le Gabon, pays d’Afrique centrale au cœur du bassin du Congo, émerge en bon élève.
En effet, contrairement à de nombreux voisins confrontés à la coupe illégale ou à la conversion rapide des forêts en terres agricoles, le Gabon fait figure d’exception. Depuis plus d’une décennie, ce pays forestier – 88 % de son territoire est couvert de forêts – a engagé une transition vers une exploitation raisonnée : certification obligatoire des concessions, moratoires, contrôles satellitaires, partenariat avec la Norvège pour rémunérer la préservation du carbone forestier, bref une série d’actions pour mieux gérer la forêt sont actuellement en cours.
Conséquence, sont taux de déforestation est évalué à 0,5% par an. Ce classement ne salue pas un miracle. Il consacre une politique volontariste, patiemment construite, parfois critiquée pour sa lenteur mais souvent saluée pour sa cohérence. En somme, un pays qui tente de concilier économie forestière et respect de l’écosystème. Une rareté.
Un sésame pour l’accès aux marchés européens
Concrètement, ce label de « faible risque » signifie que les opérateurs européens pourront importer sans sourciller du caractère durable des produits bois ou agricoles issus du Gabon. Moins de paperasse, moins de contrôles, mais pas d’aveuglement : l’UE impose malgré tout une traçabilité fine, des données GPS, et un suivi rigoureux des sources. Pour Libreville, c’est une opportunité économique autant qu’un levier d’influence diplomatique. Dans un monde où les marchés se ferment aux productions à forte empreinte écologique, être dans le vert n’est plus seulement un avantage moral : c’est un passeport commercial.
Une méthode encore imparfaite
S’agissant du classement et de sa méthode, de nombreuses critiques remettent en cause sa tangibilité. D’abord, parce qu’il repose essentiellement sur des données bibliographiques – taux de déforestation, couverture forestière, expansion agricole. Le critère de légalité – pourtant fondamental – n’est qu’un facteur secondaire. Et la dégradation des forêts, plus difficile à mesurer, n’est pour l’instant pas intégrée. Cela pose question, surtout dans les pays où la déforestation est faible mais l’exploitation illégale reste présente. Un classement utile, mais perfectible, qui appelle à des révisions régulières et à une coopération renforcée avec les États concernés.
Une lueur d’espoir pour le bassin du Congo
Dans cette première carte des risques, peu de pays tropicaux s’en sortent avec les honneurs. Le Cameroun, la Côte d’Ivoire ou la RDC restent classés à « risque standard », imposant une diligence complète aux importateurs. Le Gabon, lui, devient une vitrine régionale, un exemple de ce qu’il est possible de faire lorsqu’on articule volonté politique, gouvernance forestière et soutien international.
Alors, faut-il crier victoire ? Non. Mais reconnaître un progrès, oui. Lutter contre la déforestation demande du temps, de la constance et des preuves. Sur ce plan, le Gabon avance, et c’est déjà beaucoup. Mais des choses restent encore à faire !
Wilfried Mba Nguema
Bon article qui alimente réflexion et débat sur les moteurs de déforestation en Afrique.