Encore une mission d’inspection, encore un cortège d’autorités en bottes dans la boue forestière, encore des photos posées devant les panneaux « aire protégée ». Cette fois, c’est Minkébé. Le plus vaste parc du Gabon, 8 000 km² de forêt primaire, d’éléphants et de panthères, transformé depuis des années en terrain de jeu pour braconniers, orpailleurs et exploitants forestiers sans scrupules. Et on vient inspecter.
Sur le papier, l’intention est louable : identifier les menaces, évaluer les besoins, formuler des recommandations. Mais sur le terrain, la réalité est toute autre. Les rapports se succèdent depuis des années. Les conclusions sont toujours les mêmes : manque de moyens, manque d’hommes, manque de suivi. Et pendant ce temps, la forêt recule, les éléphants tombent, et les orpailleurs creusent. À la pelle, au mercure, et en toute impunité.
Alors à quoi sert cette énième tournée ? À faire semblant ? À cocher une case dans un plan d’action resté au stade du PDF ? À rassurer les partenaires techniques et financiers ? Ce que Minkébé réclame, ce ne sont pas des diagnostics, mais des décisions. Ce ne sont pas des discours, mais des déploiements. Il faut des éco-gardes formés, armés, protégés. Il faut des drones, des bases avancées, des routes praticables, une surveillance continue. Il faut un État qui défend son territoire, pas qui se contente de le photographier.
Car Minkébé n’est pas un cas isolé. C’est le reflet exact de ce que deviennent nos parcs nationaux quand ils ne sont plus protégés que par des panneaux rouillés et des bonnes intentions. C’est une alerte grandeur nature. Et si rien n’est fait ici, rien ne sera fait ailleurs.
La conservation ne peut plus être un décor pour événements officiels. Elle doit devenir une priorité nationale, inscrite dans les budgets, dans les lois, dans la formation, dans le quotidien. Sinon, ces aires dites protégées finiront par ne plus protéger que des souvenirs.
Le parc de Minkébé est un test. Pas pour la biodiversité — elle, fait déjà tout pour survivre. Un test pour l’État, pour ses institutions, pour sa crédibilité. Ce qui sera fait ou non dans les semaines qui viennent dira tout de notre capacité à protéger réellement notre patrimoine naturel. Et si cette mission n’aboutit qu’à un énième rapport rangé sur une étagère, alors la forêt aura une fois de plus été trahie.