Dans sa dernière Note de conjoncture économique sur le Gabon, publiée pour l’année 2025, le groupe de la Banque mondiale met en lumière un élément souvent relégué au second plan dans les bilans nationaux : la valeur économique des écosystèmes forestiers. Le constat est sans appel : le capital naturel du Gabon, principalement forestier, représente désormais un levier stratégique pour son développement futur.
La forêt gabonaise n’est pas qu’un écrin de biodiversité ; elle est aujourd’hui reconnue comme un actif économique majeur. Selon les données compilées dans le rapport, la valeur totale des services rendus par les écosystèmes forestiers – en particulier ceux liés à la rétention de carbone – a presque doublé entre 1995 et 2020, atteignant 43,2 mille milliards de francs CFA. Ce chiffre impressionnant dépasse de près de dix fois le PIB du pays et représente plus du quart de la richesse nationale.
Pour la Banque mondiale, ce capital vert n’est pas seulement symbolique ou écologique : il possède une valeur monétaire tangible, mesurable et exploitable. C’est un appel clair à changer d’échelle dans les politiques publiques, en intégrant pleinement les services environnementaux dans les outils de planification économique.
Un modèle de gestion durable
Cette reconnaissance internationale repose sur des fondations solides. Le Gabon, souvent cité en exemple pour sa politique forestière, bénéficie de conditions naturelles favorables – une faible densité démographique, une urbanisation contenue, et surtout, une volonté politique de préserver les forêts. Le taux de déboisement du pays, limité à 0,6 % entre 1995 et 2020, reste largement inférieur à la moyenne régionale.
En d’autres termes, le Gabon a su éviter l’erreur commune de la surexploitation, en valorisant plutôt la gestion durable et la conservation. Un choix longtemps jugé peu rentable, mais qui se révèle aujourd’hui payant à l’aune des nouveaux marchés internationaux liés au climat et à la biodiversité.
Le défi de la valorisation économique
Disposer d’un trésor naturel ne suffit cependant pas. Encore faut-il savoir le monétiser de manière équitable et durable. C’est précisément le message que tente de faire passer la Banque mondiale. Le rapport recommande au Gabon d’intégrer ces services écosystémiques dans ses politiques économiques et budgétaires, à travers la mise en place de mécanismes de financement vert ; une participation plus active aux marchés du carbone ; et le renforcement des partenariats internationaux autour de la conservation. Autrement dit, la forêt ne doit plus être vue comme un simple patrimoine à protéger, mais comme un actif économique à intégrer pleinement dans les stratégies de développement.
Une opportunité à ne pas manquer
Dans un contexte mondial où la transition écologique devient une priorité planétaire, le Gabon se retrouve dans une position rare : celle d’un pays à la fois riche en ressources naturelles et déjà engagé sur la voie de la durabilité. Il lui revient désormais de transformer cette avance environnementale en avantage économique, sans trahir les engagements de conservation.
Car au fond, ce que révèle le rapport, c’est que la valeur des forêts ne réside pas seulement dans les troncs qu’on abat, mais dans le carbone qu’on retient, l’eau qu’on purifie, la biodiversité qu’on abrite, et la stabilité climatique qu’on garantit. Le Gabon tient là une carte maîtresse dans la bataille mondiale pour le climat. Reste à lui de jouer cette carte avec stratégie, vision et détermination.
Wilfried Mba Nguema