Après trois semaines de terrain dans la province de l’Ogooué-Lolo, l’École de terrain en écologie tropicale (ECOTROP) a procédé hier, mardi 15 juillet 2025, à la restitution scientifique des résultats observés suite à l’étude des sites de Doumé, Mabouli, Manenga, Moukalissi et Youmbidi, et à la dynamique écologique qui s’est opérée dans ces régions par le passé. L’édition 2025 ouvre une brèche de l’histoire des anciennes occupations villageoises de cette partie du Gabon en sondant sols, faune et flore, et récits historiques.
Après la phase consacrée au Littoral et aux Mangroves qui a eu lieu du 12 au 22 mai à Libreville, la seconde phase d’ECOTROP édition 2025 s’est déportée à Lastoursville et à Doumé, au Gabon, dans la province de l’Ogooué-Lolo. A cet effet, du 22 juin au 12 juillet 2025, les équipes mixtes composées des Chercheurs-encadreurs et étudiants, supervisés par le Professeur Stephen Ntie, Conseiller scientifique à l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN) et du Professeur Nicola Anthony de l’université de La Nouvelle-Orléans ont ont effectué le déplacement pour Lastoursville. Objectif : « Former une nouvelle génération de scientifiques », essentiellement composée d’étudiants originaires du Gabon et des Etats-Unis.
« Cette rencontre scientifique est l’occasion pour l’école de terrain Ecotrop de pouvoir restituer les travaux de recherche et de formation qui se sont déroulés à Lastoursville et à Doumé du 22 juin dernier au 12 juillet. Pendant trois semaines, des équipes de chercheurs et d’étudiants se sont retrouvées sur le terrain pour pouvoir collecter des données scientifiques concernant l’histoire des peuplements dans la région de Doumé, mais également de pouvoir évaluer l’état de la biodiversité dans les anciens villages et des sites témoins », a expliqué le Professeur Stephen Ntie.
Explorer et décrypter le passé des peuples anciens du Gabon
Si pour reprendre les propos du Vice-Recteur de l’Université Omar Bongo (UOB), Professeur Jean-François Owaye, « la forêt gabonaise est un laboratoire à ciel ouvert », Lastoursville et Doumé, les régions cibles de l’école de terrain a été pour les Chercheurs et étudiants du programme un terrain d’étude assez précieux. Étude des sols anciens des anciens villages, inventaire floristique pour caractériser la biodiversité végétale et mieux comprendre l’impact humain passé, valorisation des savoirs locaux retraçant les parcours migratoires des populations, étude de l’abri sous roche pour reconstituer la chronologie de l’occupation humaine et enfin, évaluation de la diversité animale à partir des traces, captures et observations, les axes de recherches, assez pointues, ont offert aux étudiants en particulier une meilleur compréhension des dynamiques écologiques qui se sont opérées dans les villages de Doumé, Mabouli, Manenga, Moukalissi et Youmbidi.
« En comparant la diversité biologique dans les anciens villages et les sites témoins, on se rend compte qu’il y a beaucoup plus de diversité biologique dans les anciens villages. Cela fait partie d’observations qui ont été faites auprès des villageois ou des communautés locales, qui nous ont rapporté que de façon habituelle, elles allaient chasser dans leurs anciens villages », explique le Professeur Stephen Ntie. Selon le Professeur, la collecte des données en lien avec le sol, la faune et la botanique, ont permis de rendre compte que c’est dans ces anciens villages que la diversité biologique était la plus élevée.
Pour le Professeur Nicola Anthony, ce constat tient de l’hypothèse selon laquelle, les populations locales anciennes ont favorisé la régénération de la biodiversité en cultivant les arbres fruitiers qui attirent les animaux et en brûlant le bois. Elle estime par ailleurs, qu’ils ont créé une couche de charbon qui a entraîné la vitalité du sol. « On sait par ailleurs que l’homme a modifié son environnement et que cette modification peut avoir favorisé la biodiversité que l’on voit aujourd’hui », ajoute le Professeur Nicola Anthony. Partant de cette hypothèse, on peut aisément comprendre que les sites des anciens villages sont très importants, aussi bien pour la signifiance culturelle que pour la signifiance biologique.
ECOTROP, passerelle d’échanges interculturels
ECOTROP est une école de terrain très collaborative, explique le Professeur Nicola Anthony. Depuis 2015, le programme a permis des synergies entre plusieurs entités, institutions et acteurs. Cette année encore, la même logique a prévalu, puisque les institutions de conservation, de formation et de recherche gabonaises, à l’exemple de l’Université des sciences et techniques de Masuku (USTM), l’UOB pour ne citer que celles-là et des partenaires universitaires spécifiques à l’étranger comme l’Université de Rouen, l’Université de la nouvelle Orléans, l’université de Michigan, l’Université de Lausanne ont permis à des étudiants américains de prendre part, avec leurs pairs gabonais, à ECOTROP Forêt 2025.
Cette collaboration Nord-Sud basée sur la science, décomplexe les relations entre étudiants et facilite le partage d’expérience. Au total, cinq étudiantes américaines de niveau licence, issues de plusieurs universités américaines ont découvert la science sur les sentiers des anciens villages de Lastoursville et Doumé, à plusieurs centaines de kilomètres de Libreville. « Mon université est très intéressée par ce que nous faisons ici, surtout la partie collaborative et je pense que les échanges entre les étudiants du Gabon et des Etats-Unis est quelque chose qui est très bien appréciée », a conclu le Professeur Nicola Anthony.
Michael Moukouangui Moukala