Dans un contexte mondial où la jeunesse est appelée à jouer un rôle clé dans la préservation de la biodiversité et la lutte contre les changements climatiques, des initiatives comme le One Forest Youth Initiative (OFYI) sont, à première vue, à saluer. Né dans le sillage du One Forest Summit, l’événement vise à donner une voix aux jeunes, à renforcer leur capacité d’action et à favoriser leur implication dans les enjeux environnementaux majeurs, notamment dans le bassin du Congo, deuxième poumon vert de la planète.
Depuis son ouverture au public en 2023, le OFYI ambitionne de mobiliser des financements, de promouvoir la gouvernance verte, et de soutenir les jeunes porteurs de projets environnementaux. Le discours est fort, l’intention est claire : faire émerger une génération consciente des jeunes et engagée autour des questions climatiques et de biodiversité. Mais à bien y regarder, une question dérangeante s’impose : qui sont réellement les bénéficiaires et les acteurs mis en avant lors de cet événement ? Et surtout, où sont passés les vrais défenseurs de la forêt ?
Absence flagrante des acteurs de terrain
Alors que la 2e édition de cet important événement tire à sa fin, force est de constater que les écogardes, écoguides, techniciens de recherches, jeunes scientifiques et jeunes membres d’ONGs locales investis chaque jour dans la protection de la biodiversité, ont été laissés en marge de cette belle initiative. Ces hommes et femmes, souvent invisibles, affrontent quotidiennement les réalités du terrain : braconnage, déforestation illégale, conflits entre humains et faune et participent à des ateliers de sensibilisation des communautés sur l’éducation environnementale. Pourtant, très peu ont été invités à partager leur expérience lors des différents panels.
À leur place, on retrouve parfois des profils déconnectés de la réalité forestière, voire étrangers aux enjeux profonds de la conservation. Un exemple marquant : la présence sur un panel consacré au lien entre « conservation des forets et tradition » de l’artiste photographe Grâce Makaya pour explique de cette question, notamment l’attache des communautés locales à préserver les savoirs traditionnels endogènes, lesquels participent à la préservation des forêts. Si sa démarche artistique est respectable, sa légitimité sur cette thématique pointue interroge. Alors que le pays regorge de profils dans ce domaine qui parcourent le pays chaque mois pour donner une certaine lucidité à l’action écologique, n’a-t-on pas pu trouver un profil qui fait consensus pour parler de cette question ?
Un rendez-vous entre copains…coquins ?
Ce manque de représentativité n’est pas nouveau. Déjà lors de la première édition, les critiques sournoises pointaient du doigt une sélection d’intervenants davantage fondée sur des critères de proximité amicale ou fraternelle, politiques, relationnels ou d’image que sur l’expertise ou l’engagement réel. De nombreux observateurs dénoncent en effet, ce qu’ils perçoivent comme un événement « vitrine », plus soucieux de la communication que de transformation réelle.
À défaut d’impliquer les acteurs-clés, on donne la parole à des personnalités médiatiques ou politiques qui, pour certaines, n’ont que peu de lien avec les réalités écologiques ou le domaine de la conservation dans le pays. Ce décalage nuit à la crédibilité même du message porté, et pose une question essentielle : est-ce un outil de mobilisation sincère des jeunes, ou une opération de greenwashing soigneusement scénarisée ?
Pour une réorientation inclusive et crédible
Reconnaissons-le : le One Forest Youth est une initiative porteuse et nécessaire, surtout dans une région où la jeunesse doit être au cœur des politiques environnementales. Mais pour que cet engagement soit crédible et durable, il faut que l’événement s’enracine dans les réalités locales, qu’il donne la parole aux vrais acteurs de terrain, et qu’il cesse de marginaliser ceux qui, loin des projecteurs, portent à bout de bras la conservation de nos forêts. Car former une génération de leaders environnementaux ne peut se faire sans reconnaître, valoriser et inclure les « sentinelles silencieuses » qui ont déjà les pieds dans la boue et les mains dans l’action.
Wilfried Mba Nguema