À Libreville, le retour de la grande saison des pluies réveille une inquiétude familière consécutive aux tombées des pluies. Depuis la fin du mois d’octobre et en ce début du mois de novembre, les précipitations s’intensifient, plongeant la capitale gabonaise dans un cycle d’averses quasi ininterrompues. Si les pluies rythment traditionnellement la vie urbaine entre octobre et décembre, leur intensité croissante et la fragilité des infrastructures de drainage nourrissent, cette année encore, la crainte des inondations.
Selon les données publiées par WeatherSpark, pour la période allant du 5 au 19 novembre 2025, Libreville ne connaîtra que 2% de journées à météo favorable, contre 93% de jours marqués par des précipitations. Les températures moyennes, oscillant entre 23°C et 26°C, s’accompagnent d’un taux d’humidité élevé, propice à la formation d’orages tropicaux. Ces projections, confirmées par des observations locales de la Direction générale de la météorologie nationale, annoncent une période particulièrement pluvieuse, au risque d’une saturation rapide des sols.
Une capitale sous tension hydrique
À mesure que les pluies s’abattent sur la ville, les signes de vulnérabilité réapparaissent. Routes inondées, marchés envahis par les eaux, circulation paralysée : les scènes observées ces derniers jours à Mont-Bouët, à Nzeng-Ayong, à Diba-Diba ou encore à Oloumi rappellent la fragilité du réseau d’évacuation des eaux de Libreville. À Mont-Bouët, principal centre marchand de la capitale, les eaux stagnantes ont temporairement interrompu les activités, contraignant les commerçants à protéger leurs étals avec des moyens de fortune.
Ces inondations récurrentes ne sont pas le seul fruit des intempéries. Elles révèlent un déséquilibre urbain plus profond, conséquence d’une urbanisation rapide et souvent anarchique, d’un entretien irrégulier des caniveaux et d’un incivisme persistant lié au rejet des déchets dans les drains. Dans une ville où la croissance démographique dépasse la planification, la pluie devient le révélateur d’un malaise structurel.
Une réaction municipale sous pression
Face à la montée des eaux, les autorités municipales ont tenté de réagir. Le Délégué spécial chargé de la commune de Libreville, Adrien Nguema Mba, a effectué, ce 4 novembre, une visite de terrain accompagnée de son premier adjoint et des directions techniques concernées — Environnement, Cadastre, Aménagement urbain, Affaires économiques. Objectif : identifier les zones les plus critiques et coordonner des interventions d’urgence.
La mairie annonce un renforcement des opérations de curage des caniveaux et la réhabilitation du canal de Mont-Bouët, considéré comme un point névralgique du système de drainage. Des mesures de sensibilisation et de sanction sont également envisagées contre les contrevenants qui obstruent les voies d’écoulement par leurs déchets. Mais ces initiatives, souvent réactives, peinent à masquer une réalité plus tenace : la gestion de l’eau en milieu urbain reste l’un des angles morts de la gouvernance locale.
Le défi de la résilience urbaine
Chaque épisode pluvieux agit comme un rappel brutal de la vulnérabilité de Libreville face aux aléas climatiques. Les inondations, au-delà des pertes matérielles, entraînent des risques sanitaires, des entraves à la mobilité et une baisse de productivité économique. Elles exposent aussi les limites d’une ville qui peine à concilier croissance urbaine, aménagement planifié et protection de l’environnement.
Dans un contexte où les modèles climatiques annoncent une intensification des précipitations dans le golfe de Guinée, la question n’est plus de savoir si Libreville sera confrontée à de nouvelles inondations, mais comment elle s’y préparera.
La transition vers une gestion durable de l’eau, la modernisation du réseau de drainage et une réelle éducation citoyenne apparaissent désormais comme des impératifs. Les fortes pluies de ce mois de novembre ne sont donc pas qu’un simple phénomène saisonnier : elles s’imposent comme le miroir d’une ville en quête de résilience, où chaque averse met à nu les fragilités d’un urbanisme en déséquilibre.
Wilfried Nguema M.





