Le 23 septembre 2025, dans le cadre de la 80ᵉ session de l’Assemblée générale des Nations unies à New York, le Gabon a ratifié l’Accord sur la biodiversité au-delà des juridictions nationales (BBNJ). Cet acte, qui fait du pays le 61ᵉ État signataire, peut sembler relever du rituel diplomatique, et pourtant, il s’inscrit dans une réflexion plus large sur la gouvernance des biens communs et la manière dont les nations redéfinissent leur rôle face aux enjeux planétaires.
Le BBNJ, parfois appelé « traité de haute mer », vise à combler un vide juridique : la protection des espaces marins situés au-delà des souverainetés étatiques, là où se joue une grande partie de l’équilibre écologique mondial. Ces zones, représentant près de deux tiers des océans, illustrent la notion de global commons – des biens partagés dont la préservation dépend d’une responsabilité collective. Ici, la théorie développée par Elinor Ostrom sur la gestion des communs trouve une résonance particulière : la survie de ces espaces exige coopération, gouvernance polycentrique et dépassement des logiques strictement nationales.
La ratification gabonaise est à ce titre doublement significative. D’abord, parce qu’elle confirme la cohérence d’un pays déjà reconnu comme pionnier dans la conservation. Avec neuf aires marines protégées et une politique environnementale avancée, le Gabon transpose à l’échelle globale une stratégie nationale de gestion durable. Mais surtout, parce qu’elle rappelle que l’Afrique centrale, souvent perçue à travers le prisme des défis politiques et économiques, est aussi un acteur normatif dans la définition de l’ordre écologique international.
Le président Brice Clotaire Oligui Nguema a inscrit cette ratification dans la continuité d’un engagement national, soulignant que le Gabon « agit au service de l’humanité ». Cette déclaration dépasse la rhétorique : elle révèle une diplomatie environnementale où l’autorité d’un État se mesure à sa capacité à contribuer au destin commun, et non plus seulement à la défense de ses frontières.
Mais cette journée new-yorkaise a aussi démontré que l’environnement n’est jamais dissocié des autres sphères de la politique internationale. Les entretiens avec Ajay Banga, président du Groupe de la Banque mondiale, ont ouvert des perspectives d’accompagnement financier pour des projets structurants. L’audience accordée à la délégation des Émirats arabes unis a réaffirmé l’importance des ressources énergétiques dans la diplomatie contemporaine, tandis que l’établissement de relations officielles avec le Kirghizistan illustre le tissage de nouvelles alliances, articulant environnement, ressources minières et hydrocarbures. Enfin, les échanges avec Antonio Guterres et Annalena Baerbock ont mis en lumière la reconnaissance internationale accordée au processus de Transition politique au Gabon.
Ainsi, au-delà du geste diplomatique, la ratification du BBNJ devient un point nodal où se croisent écologie, économie et diplomatie. Elle illustre ce que les chercheurs appellent une diplomatie verte : un champ où les États cherchent à conjuguer légitimité internationale, attractivité économique et responsabilité environnementale.
On comprend donc que l’acte posé par le Gabon, le 23 septembre dernier, révèle une mutation des rapports de force internationaux. Alors que la souveraineté a longtemps été pensée comme un monopole d’autorité sur un territoire délimité, elle tend désormais à s’élargir vers une forme de responsabilité partagée sur les communs planétaires. Le Gabon, par sa ratification, rappelle que les petites et moyennes puissances ne sont pas de simples spectatrices : elles peuvent être forces d’entraînement, capables d’orienter l’agenda mondial et de redéfinir les équilibres normatifs.
New York n’aura donc pas été seulement le théâtre d’une signature protocolaire. Ce fut le lieu où un pays africain a rappelé, avec force, que la voix de l’Afrique compte dans la gouvernance des océans, et que la préservation des biens communs est désormais au cœur de la diplomatie du XXIᵉ siècle.
Wilfried Mba Nguema




