La lutte pour la préservation de la faune et de la flore, et la résilience climatique ne peut se faire sans les moyens financiers, qui sont nécessaires pour la formation et la recherche scientifique appliquée. Pourtant, bien qu’aux yeux du monde l’Afrique centrale, à travers le bassin du Congo, revête une importance écologique capitale, la région ne capte que 16% de l’aide publique au développement du secteur forêt et environnement. C’est ce que révèle une étude réalisée il y a quelques années par le CIFOR-ICRAF, rappelée par le Docteur Richard Sufo Kankeu, Coordinateur scientifique du Programme RESSAC lors de la formation organisée récemment à Yaoundé au Cameroun en direction des journalistes d’Afrique Centrale.
Peut-on faire de la lutte contre les changements climatiques et la préservation de la faune et de la flore sans argent ? La réponse est évidemment « Non ». Et pourtant, malgré cette évidence, les fonds verts dédiés aux combats écologiques et climatiques sont inégalement répartis dans les trois blocs forestiers mondiaux. C’est ce que nous fait remarquer le Docteur Richard Sufo Kankeu, Coordinateur scientifique du Programme RESSAC (Recherche appliquée en écologie et sciences sociales). Selon ce dernier, citant une étude réalisée dans un premier temps en 2018 par le CIFOR-ICRAF puis réitérée cinq ans plus tard, c’est-à-dire en 2022 par le même organisme, l’Afrique Centrale ne capte que 16% des financements mondiaux contre plus de 80% pour les deux autres bassins forestiers.
Financièrement, cela représente à peine 20 milliards de dollars captés par la sous-région durant cette période contre environ 80 milliards captés par les autres bassins forestiers. Plus étonnant encore, en dépit du fait que depuis 2015 un consensus sur le financement de l’action climatique est né à la suite de la COP15 de Paris, les partenaires bilatéraux sont ceux qui font le jeu de ces flux financiers. Ce constat amène à s’interroger sur la soutenabilité des engagements des décideurs mondiaux, notamment les pays développés, même si au constat, la sous-région a une part de responsabilité dans cette faiblesse.
En effet, pour le Docteur Richard Sufo Kankeu, les difficultés d’accès aux financements verts seraient aussi liées à la faiblesse de mise en place des projets au sein de la sous-région, notamment en termes de capacités de montage. « Mais le gros souci qu’il y a au niveau de l’accueil des financements en Afrique centrale, est dû à la fragilité de nos institutions qui ne sont pas assez structurées pour recevoir ces financements », observe Richard Sufo K. La sous-région doit se mobiliser, quand on sait qu’il faut environ 5 milliards de dollars par an pour mettre fin à la fracture écologique liée à la dégradation des terres et les impacts des changements climatiques, alors que ces pertes, qui touchent déjà les populations et l’économie, nécessitent des mesures, des engagements et des actions concrètes.
La finance climatique s’impose donc comme un enjeu de premier plan pour soutenir les politiques d’atténuation et d’adaptation aux changements climatiques. Même si, face au déficit d’accès au financement, les décideurs ont dû tout aussi s’adapter en créant des initiatives comme l’Alliance pour les marchés Carbone et la Finance Climat en Afrique Centrale (PFBC) pour améliorer l’accès aux marchés du carbone et des fonds multilatéraux. La Banque de Développement des États de l’Afrique Centrale (BDEAC) et la Commission Climat du Bassin du Congo (CCBC) jouent un rôle clé dans la mobilisation des ressources financières et en promouvant des projets de développement durable. Mais leur efficacité reste un sujet à caution, les objectifs escomptés n’étant pas encore au rendez-vous. Parallèlement, les pays s’organisent aussi de façon individuelle pour attirer les capitaux verts, en dépit des contraintes bilatérales.
Pour le Docteur Richard S.K., la solution à la résilience d’accès aux financements pourrait partir des réformes au sein même des Etats. L’une de se réforme, la gouvernance qui est un important enjeu de captation des fonds verts. « La capacité des acteurs à mobiliser les financements et l’ensemble des conditions de gouvernance sont essentiels pour capter la confiance des bailleurs de fonds. La gouvernance doit être un élément important, et comme ce sont les banques ou les acteurs multilatéraux qui donnent le plus de financements (la Banque mondiale, la Banque africaine de l’environnement et les autres banques), le plus souvent, ils ont besoin d’un environnement serein où la gouvernance fait l’objet d’une confiance irréprochable et offre des garanties par rapport à l’instabilité du gouvernement en service, par rapport au système de gouvernance et par rapport au risque de départ ou d’arrivée d’autres gouvernements et de changements dans les politiques », renchérit le Chercheur.
Les défis de surmonter de nombreux prérequis pour espérer être une destination pour le financement de la résilience forestière et climatique s’impose comme une urgence au sein du bassin du Congo. Cela dit, chercheurs et gouvernement doivent travailler main dans la main pour être efficace. Ce qui passe par l’assainissement et le remodelage des circuits d’accès aux financements, la centralisation des fonds pour une meilleure traçabilité, un rapprochement avec les banques, ainsi que la formation des chercheurs et des décideurs au montage de projets. « Il est clair qu’il est difficile de changer la gouvernance d’un pays, mais il est important de montrer qu’on a la volonté de bien gérer les projets parce que cela donnera plus d’opportunités aux banques de se positionner. Et si nous faisons un projet qui est très bien monté et que parfois la banque est frileuse en termes de gestion c’est difficile qu’on capte des financements bilatéraux surtout avec des banques comme ça », conclut le Docteur Richard Sufo Kankeu.
Michael Moukouangui Moukala