Ce samedi 9 août 2025, le Gabon célèbre pour la première fois la Journée internationale des peuples autochtones à Minvoul. Cet événement constitue une étape symbolique, presque historique. Pourtant, derrière les discours officiels, un constat persiste : les peuples autochtones, les « Pygmées » au Gabon, continuent de vivre dans une marginalisation profonde.
Chaque 9 août, l’ONU consacre une célébration aux peuples autochtones. Cette année, la célébration met l’accent sur l’apport de l’IA dans la défense des droits de ce peuple. La thématique : « les peuples autochtones et l’IA : défendre les droits, façonner l’avenir ». Pour l’ONU, l’intelligence artificielle offre la possibilité d’améliorer la transmission des savoirs ancestraux. Pourtant, en l’absence des dispositions nécessaires pour garantir son développement éthique et inclusif, elle risque d’engendrer une exclusion numérique, de renforcer des préjugés néfastes et de dénaturer les langues autochtones.
Au Gabon, cette exclusion imposée par la société dominante s’exprime avec force. Cependant, la réalité apparaît plus nuancée. En effet, dans le pays et comme c’est le cas dans de nombreux pays, de nombreuses communautés choisissent délibérément de préserver leur mode de vie ancestral — basé sur la chasse, la cueillette et un lien étroit avec la forêt — par crainte que la modernisation n’entraîne la perte de leur héritage culturel et de leurs savoirs traditionnels. D’ailleurs, l’histoire de nombreux peuples autochtones à travers le monde démontre que la « modernisation forcée » a souvent conduit à la disparition d’identités collectives, à l’érosion des connaissances ancestrales précieuses et à de graves déséquilibres sociaux.
Il convient donc de rappeler que ces populations ne sont pas de simples « minorités ». Bien au contraire, elles représentent de véritables gardiennes d’un savoir unique en matière de gestion durable des écosystèmes, transmis de génération en génération. Or, préserver ce mode de vie ne devrait en aucun cas signifier renoncer à des droits fondamentaux. L’accès à l’éducation, aux soins de santé ou encore à une protection juridique efficace peut et doit être garanti sans qu’il y ait pour autant assimilation culturelle forcée.
De plus, la vulnérabilité est encore plus marquée chez les femmes et les enfants autochtones. En raison de l’éloignement des services publics et de l’absence de programmes adaptés à leurs réalités, les abandons scolaires sont fréquents, tandis que les victimes de violences se retrouvent souvent sans recours. Respecter leur culture ne saurait être un prétexte pour les laisser sans protection face à de telles situations.
C’est pourquoi le thème mondial retenu cette année — « Dignité, justice et diversité culturelle comme leviers de développement durable » — interpelle directement le Gabon. La dignité suppose en effet la liberté de vivre selon ses traditions, mais également la possibilité d’accéder à des services essentiels lorsque cela est nécessaire. Quant à la justice, elle réside dans la garantie effective de cette liberté de choix, sans contraintes ni renoncements forcés.
Dans cette perspective, protéger les peuples autochtones ne signifie pas les « civiliser » ou leur imposer un modèle de vie étranger, mais bien leur donner les moyens de conserver leurs terres et leur mode de vie grâce à une reconnaissance juridique claire de leurs droits fonciers. Cela implique également de mettre en place des infrastructures éducatives, sanitaires et judiciaires adaptées à leur réalité culturelle, de développer des programmes économiques et pédagogiques valorisant leurs savoirs plutôt que de les effacer, et enfin de leur permettre de participer pleinement aux décisions qui les concernent.
Ainsi, la célébration organisée à Minvoul en 2025 pourrait constituer un véritable point de départ pour une approche plus équilibrée et respectueuse. Cependant, si elle se limite à un simple geste symbolique, les promesses resteront lettre morte. En revanche, si elle s’accompagne d’actions concrètes alliant le respect de l’identité et la garantie des droits fondamentaux, alors le Gabon pourra affirmer, avec légitimité, avoir réellement honoré ses peuples autochtones.
La Lettre Verte avec Environnementales