Plusieurs semaines après la confirmation d’une pollution aux hydrocarbures au large de Mayumba, la mer reste souillée, les pêcheurs désœuvrés, et les responsables introuvables. Pendant ce temps, le ministère de l’Environnement, de l’Écologie et du Climat multiplie les communiqués sans jamais répondre à la question centrale : qui est à l’origine de ce désastre écologique ?
Une catastrophe annoncée, mais ignorée ? Selon les images satellites de l’AGEOS, les premières nappes d’hydrocarbures étaient visibles dès le 31 août, bien avant l’alerte officielle du 23 septembre. Autrement dit, l’État disposait potentiellement de signaux précoces d’une pollution en mer, mais n’a engagé aucune action publique avant que la situation n’échappe à tout contrôle. Ce décalage révèle un manque de vigilance et d’anticipation inquiétant au sein du ministère, censé pourtant assurer la veille écologique nationale.
Une réaction tardive habillée en réussite
Ce n’est qu’au début du mois d’octobre, plusieurs semaines après la première apparition de la nappe, que le ministère de l’Environnement et l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN) a officiellement lancé les opérations de nettoyage sur le littoral de Mayumba. Sous la supervision du conservateur du parc national, une équipe conjointe composée d’agents du parc, de la Marine nationale, de Perenco et de quelques volontaires communautaires a entamé des travaux de ramassage des déchets d’hydrocarbures.
L’agence a salué cette mobilisation comme un signe de “rigueur et de réactivité”, tout en rappelant qu’elle s’inscrivait dans le cadre du protocole national de suivi des pollutions marines. Mais cette communication officielle, qui met l’accent sur la “coordination” et la “formation technique” des équipes, arrive bien tard pour inverser le cours des dégâts. Entre la détection de la pollution et le lancement effectif des opérations, plusieurs semaines se sont écoulées — un délai suffisant pour que les hydrocarbures se dispersent, contaminent le sable, les herbiers et la faune marine.
Dans de telles conditions, toute tentative de remonter à la source devient pratiquement vaine ou difficile : les indices se diluent, les preuves disparaissent, et les pollueurs, eux, bénéficient du silence et de la lenteur administrative.
Une communication sans transparence
Plutôt que d’informer clairement sur l’avancement de l’enquête et les pistes privilégiées, les autorités se réfugient derrière des messages institutionnels qui valorisent la réaction plutôt que la responsabilité. Aucune donnée publique n’a été fournie sur les résultats des analyses isotopiques ni sur la possible implication d’opérateurs pétroliers présents dans la zone frontalière avec le Congo.
L’absence de communication efficiente entretient la suspicion d’une gestion essentiellement politique d’un drame environnemental aux conséquences économiques et sociales importantes.
Les populations livrées à elles-mêmes
Pendant que les institutions tentent de sauver leur image, les habitants de Mayumba font face aux conséquences réelles de cette catastrophe. Les pêcheurs dont nous avons obtenu quelques récits voient, le temps de trouver des solutions, leurs filets vides, les femmes perdent leur principale source de revenus issue de la transformation du poisson, et les plages, jadis touristiques, sont désormais souillées et font l’objet de craintes. Les communautés locales se sentent abandonnées, estimant que l’État intervient plus pour communiquer que pour compenser les pertes subies.
Une crise révélatrice d’un système défaillant
La marée noire de Mayumba révèle plus qu’une simple négligence : elle expose les failles structurelles d’un système de gestion environnementale qui fonctionne dans la réaction, non dans la prévention. Tant que le ministère de l’Environnement et la Direction générale de l’Environnement se contenteront de déployer des opérations tardives maquillées en succès institutionnels, les pollueurs continueront d’agir en toute impunité.
Le pays se dote d’outils modernes de surveillance, mais reste incapable d’en tirer les conséquences politiques et judiciaires. Le vrai drame n’est pas seulement dans le pétrole qui souille nos côtes, mais dans le silence de ceux qui ont le devoir de protéger la mer.
Wilfried Mba Nguema





