Lauréate du concours national d’éloquence 2024, Cyriane devait représenter le Gabon à la Conférence mondiale des jeunes sur le climat au Brésil. Son discours, vibrant d’intelligence et d’engagement, avait conquis le jury et ému tout un pays. Mais quelques mois plus tard, son nom a mystérieusement disparu des listes officielles. Motif ? Son âge, disent-ils. En vérité, ce n’est pas son âge qu’on sanctionne — c’est sa lumière qu’on cherche à éteindre.
Le cas de Cyriane Auréole Ngandou Divouvi n’est pas une simple injustice individuelle. Il est le miroir d’un système profondément malade, où le mérite ne suffit plus, où le talent ne garantit rien, et où l’excellence dérange plus qu’elle n’inspire. Dans un pays qui aime se vanter de valoriser sa jeunesse, voir une jeune fille exemplaire être écartée pour des raisons absurdes est un affront. Car derrière le prétexte administratif, il y a une réalité que tout le monde connaît mais que peu osent dire : au Gabon, le mérite ne pèse pas lourd face aux “relations”.
Combien de jeunes, dans les écoles, les concours, les fédérations sportives, ont vu leur place leur être volée au dernier moment au profit de quelqu’un d’autre, mieux né, mieux connecté, mieux introduit ? Combien d’athlètes prometteurs, issus de familles modestes, ont été écartés des sélections nationales parce qu’ils ne portaient pas les “bons noms” ? Combien d’élèves brillants n’ont jamais reçu leurs récompenses parce qu’un fils de ministre ou la nièce d’un président de ligue devait passer avant eux ?
Ce phénomène est devenu une plaie morale. On remplace le mérite par le réseau, le travail par le nom de famille, et la compétence par le piston.
Un pays qui trahit ses enfants
Ce qui arrive à Auréole est d’autant plus révoltant qu’elle incarne l’avenir qu’on prétend célébrer : une jeunesse consciente, travailleuse, patriote, qui veut contribuer à la grandeur du Gabon. En la sacrifiant, on envoie un message terrible à toute une génération : “Travaille, mais ne rêve pas trop. Ton succès dépendra de qui tu connais, pas de ce que tu vaux.”
Cette mentalité tue l’espérance, éteint les talents et vide les cœurs. Elle pousse les meilleurs à fuir, à se taire ou à abandonner. Et après, s’étonne-t-on que les jeunes perdent foi en leur pays ?
Un système à bout de souffle
Ce cas révèle ce que beaucoup dénoncent depuis des années : un système de favoritisme enraciné, entretenu par ceux qui refusent de laisser place à la vraie excellence. Les enfants de familles modestes ne sont pas seulement défavorisés économiquement — ils sont souvent exclus symboliquement, condamnés à regarder d’autres récolter les fruits de leurs efforts.
Pendant que certains travaillent dans l’ombre, d’autres récoltent la lumière. Pendant que les meilleurs se battent pour exister, les bien-nés héritent sans mérite. Et cela ne se limite pas à la culture ou à l’éducation : dans le sport, dans la fonction publique, dans les concours d’État, la logique du privilège a remplacé celle du mérite.
Justice pour Auréole, et pour tous les autres
L’affaire Cyriane Auréole Ngandou n’est pas une anecdote. C’est un symbole. Celui d’une génération qu’on trahit à force de compromis, de manipulations et d’injustices. Si rien n’est fait, si cette situation est tolérée, c’est l’avenir du Gabon lui-même qu’on sacrifie.
Sa mère, Madame Octavie, a eu le courage de dire tout haut ce que beaucoup murmurent depuis longtemps : « Graciez ma fille ! Elle mérite de vivre sa récompense. » Dans sa voix, résonne celle de tous les parents gabonais qui voient leurs enfants exclus, oubliés ou découragés malgré leurs efforts. L’affaire Auréole dépasse le cadre d’un concours : elle révèle le malaise d’un pays où le talent dérange plus qu’il ne motive.
Pourtant, la 5e République incarnée par le Président, a promis un renouveau fondé sur la dignité et la justice. Ce renouveau commence ici : en réparant cette faute. En rendant à cette jeune fille ce qu’elle a gagné par son travail, son intelligence et son courage. Car tant que le mérite sera étouffé par les arrangements, tant que l’excellence sera punie au profit du favoritisme, le Gabon n’avancera jamais.
Aujourd’hui, Auréole est devenue bien plus qu’une lauréate : elle est la voix de tous ces jeunes que le système refuse d’écouter. Et sa lumière, quoi qu’on fasse, continuera d’éclairer les consciences. Et d’un point de vue climatique, c’est aussi ça la « Justice climatique » dont on scande le slogan ici et là.
Wilfried Nguema M.





