Hier, lundi 27 octobre 2025, la présence du ministre de l’Environnement, Mays Mouissi et celle du délégué spécial de la commune de Libreville, Adrien Nguema Mba, sur le site du canal du bassin versant de la Vallée Sainte-Marie, a suscité autant de commentaires que d’interrogations. Officiellement, il s’agissait d’une visite de terrain pour constater l’état d’avancement du curage du canal du bassin versant, une opération conduite par la société de nettoyage Clean Africa sous la supervision de la Commune de Libreville. Officieusement, l’initiative semble davantage dictée par la pression des réseaux sociaux que par une planification administrative rigoureuse.
Depuis plusieurs jours, une image circulait sur les réseaux sociaux : on y voyait le majestueux siège de la CEMAC, symbole de modernité et d’intégration régionale, surplombant un canal obstrué par des déchets plastiques. Une juxtaposition choquante, qui résume à elle seule la contradiction entre les ambitions de modernité de Libreville et la réalité environnementale de sa capitale. C’est cette photographie — virale et accablante — qui semble-t-il a précipité la descente du ministre sur le terrain.
Une réaction plus qu’une action
Cette sortie, organisée dans l’urgence médiatique des réseaux sociaux, révèle les limites d’une gouvernance environnementale souvent réactive, rarement anticipative. Les autorités gabonaises semblent attendre que les citoyens s’indignent avant de se déplacer, donnant ainsi le sentiment que l’action publique répond plus à la pression des réseaux sociaux qu’à une stratégie de long terme.
Le Ministre a salué les efforts de Clean Africa et rappelé que « la salubrité est l’affaire de tous ». Une déclaration consensuelle, mais qui élude la question centrale : pourquoi faut-il une polémique sur Facebook pour que les institutions se mobilisent ? Si les visites ministérielles se multiplient au gré des tendances virales, la politique environnementale risque de se réduire à une succession de mises en scène.
L’absence d’une politique structurelle
Libreville produit en moyenne près de 600 tonnes de déchets par jour. Or, le système de collecte demeure partiel, le tri sélectif inexistant et les infrastructures de traitement insuffisantes. Le curage des caniveaux, aussi médiatisé soit-il, ne résout rien de manière durable. Il s’agit d’une solution curative, pas préventive. Et tant que les causes structurelles — incivisme, faiblesse institutionnelle, absence de coordination entre acteurs publics et privés — ne seront pas traitées, la capitale continuera de se noyer dans ses propres détritus à chaque saison des pluies.
De la communication à la gouvernance
Les images du Ministre entouré de caméras et d’agents en tenue fluorescente traduisent une mise en scène désormais récurrente de l’action publique au Gabon. Elles cherchent à montrer un Gouvernement à l’écoute, réactif, proche du terrain. Mais derrière cette communication, se cache une interrogation plus profonde : où s’arrête la visibilité politique et où commence l’efficacité administrative ?
Le véritable défi n’est pas de se rendre sur les lieux une fois les critiques lancées, mais d’instaurer des mécanismes permanents de contrôle, de maintenance et de responsabilisation. Car l’efficacité gouvernementale se mesure moins à la promptitude des réactions qu’à la constance des politiques publiques.
Un miroir de la gouvernance urbaine
Le canal du Boulevard Triomphal, au cœur du 2ᵉ arrondissement de Libreville, est devenu malgré lui, le miroir d’une gouvernance urbaine fragmentée. À quelques mètres du siège d’une organisation régionale, la scène illustre ce paradoxe gabonais : des institutions ambitieuses, mais des réalités locales négligées.
Entre récupération administrative et véritable efficacité gouvernementale, la frontière est mince. Et à Libreville, la sortie du Ministre suscite toujours des interrogations, tant à des kilomètres de ce site, dans le sixième arrondissement de Libreville, le bassin versant de Nzeng-Ayong, joyaux infrastructurel urbain, croupi dans des hautes herbes sans que son sort interpelle les autorités gouvernemental et municipales. Juste à quelques kilomètres de cette infrastructure, celui du PK8-Sibang subit le même sort, condamné à l’oubli éternel.
A travers Libreville, les exemples sont légions pour qualifier les insuffisances de l’action publique. Et tant que la propreté des caniveaux dépendra du vacarme des réseaux sociaux, il sera difficile de parler de politique environnementale au sens plein du terme.
Wilfried Mba N.





