On aurait pu croire que la nature, si bien préservée au Gabon, s’accompagnait naturellement d’une organisation humaine tout aussi harmonieuse. Il n’en est rien. En matière de crédits carbone par exemple, le constat flagrant : la préservation de la forêt connaît un succès, mais l’administration, elle, piétine.
La réunion de crise ou plutôt de clarification convoquée, hier mardi 3 juin par Mays Mouissi, le ministre de l’Environnement–avec les principaux acteurs publics impliqués dans la gestion des crédits carbone, vise à changer de paradigme par l’harmonisation des choses. Autour de la table : le Conseil National Climat (CNC), l’ANPN, AGADEV, la CDC, le CENAREST, et le FGIS. Une belle brochette d’acronymes, et surtout, une accumulation de structures dont les missions se chevauchent depuis trop longtemps.
Quand le trop d’acteurs brouillent les décisions
La réunion a permis de nommer ce que beaucoup pressentaient : une gouvernance fragmentée, aux frontières floues, où chacun avance selon sa propre logique, parfois en doublon, souvent en silence. Résultat : une perte d’efficacité, des blocages dans la chaîne de décisions, et une image confuse donnée aux partenaires techniques et financiers, pourtant cruciaux dans le mécanisme international des crédits carbone.
Ce désordre bureaucratique n’est pas nouveau. Il traduit une faiblesse de pilotage que le Gabon ne peut plus se permettre, alors que le pays tente de valoriser au mieux ses vastes forêts primaires dans la lutte contre les changements climatiques.
Un comité pour une gouvernance forestière unifiée
Pour remettre de la lisibilité dans cette jungle institutionnelle, un mécanisme de coordination à deux niveaux a été proposé. Il comprend, un comité exécutif, réunissant les têtes des différentes structures pour orienter les grandes décisions et un comité technique, plus opérationnel, rassemblant des référents désignés dans chaque entité.
L’objectif : mettre fin à la dispersion des compétences, créer un cadre d’échange régulier, et – luxe suprême – désigner un interlocuteur unique face aux partenaires étrangers. Une idée de bon sens, que l’on aurait aimé voir surgir plus tôt, tant les enjeux économiques et environnementaux sont lourds.
Une forêt qui mérite mieux
Le Gabon, près de 90% de territoire couvert de forêts, souvent cité en exemple pour sa politique de conservation, possède un trésor vert inestimable. Mais ce capital naturel ne peut générer des revenus durables que si la machine administrative suit le rythme. En d’autres termes : pas de finance carbone sans gouvernance carbone.
À ce titre, l’initiative du ministre Mays Mouissi mérite d’être saluée. Elle vient mettre le doigt là où ça fait mal, et propose une sortie par le haut. Reste désormais à voir si cette volonté affichée se traduira dans les faits, et si les vieilles habitudes de silos et de rivalités institutionnelles sauront faire place à une collaboration loyale et structurée. Car finalement, préserver la nature, c’est aussi apprendre à bien se parler entre humains.
Wilfried Mba Nguema