Peut-on protéger ce que l’on ne voit pas ? Cette question, presque philosophique, est aujourd’hui au cœur d’une ambition bien concrète portée par le Gabon : surveiller finement son environnement pour mieux le préserver. Dans le cadre du projet One Health, conduit avec l’appui de la FAO, le pays entend déployer des outils modernes pour garder un œil — un œil scientifique et affûté — sur ses ressources naturelles.
Et il y a de quoi observer ! Le Gabon, ce géant vert d’Afrique centrale, abrite l’une des biodiversités les plus riches du continent, un puits de carbone immense et des écosystèmes encore largement intacts. Mais fait cependant face à des pressions multiples : déforestation, braconnage, maladies zoonotiques… Autant de signaux qui invitent à agir avant que la situation ne s’aggrave.
Des satellites aux forêts tropicales
Concrètement, il s’agit de bâtir un système national d’information environnementale digne de ce nom. Pas juste des rapports ponctuels, mais une véritable toile d’outils numériques — capteurs, SIG, drones, bases de données — pour observer en continu les moindres variations du territoire. La météo des forêts, en quelque sorte. Et au-delà des machines, il faudra former les hommes et les femmes capables d’interpréter ces données, d’en extraire le sens, et d’en faire des leviers d’action publique.
Pourquoi une telle mobilisation ? Parce qu’en matière d’environnement, la connaissance, c’est le pouvoir. Le pouvoir d’anticiper plutôt que de subir. De repérer un foyer de déforestation avant qu’il ne s’étende. De détecter un changement dans les comportements des animaux qui pourrait signaler l’imminence d’une maladie. Ou encore de suivre l’évolution de la couverture végétale et du réseau hydrique, éléments clés pour l’adaptation au changement climatique.
Une gestion concertée des biens communs
Mais l’ambition va plus loin. L’idée n’est pas seulement de surveiller pour soi, mais de partager. Car le fleuve Ogooué, la forêt équatoriale, les corridors biologiques… ne s’arrêtent pas aux frontières du Gabon. C’est tout le bassin du Congo qui est concerné. Harmoniser les bases de données, créer des ponts entre les centres d’observation, faciliter la circulation de l’information pourrait constituer un premier pas vers une gouvernance écologique collective.
Vers une écologie de la décision
Cette démarche marque un tournant. Le temps des intuitions est révolu. Place à une écologie de la décision, fondée sur des faits, des tendances, des indicateurs. Une écologie pragmatique, lucide et tournée vers l’avenir. Car les forêts gabonaises, aussi puissantes soient-elles, ne sont pas éternelles. Elles ont besoin d’attention, d’intelligence, et d’un peu de technologie bien utilisée.
Le Gabon choisit donc de voir pour mieux agir. Et dans un monde où tout va vite, c’est peut-être cela, la vraie sagesse environnementale.
Wilfried Mba Nguema






